Là-haut


Eclats de pierres, caillous humides, parfois glissants, aiguilles de pin, de sapin. Plantes inconnues, non comestibles, aux baies rouges. Pour les oiseaux. Puis, une trouée bleue dans la frondaison aux parfums de sève chaude. Nous y voici. Encore quelques pas, et le cirque majestueux déroule ses pâles écharpes minérales au-dessous de l'azur jurassien où dérivent quelques larges cumulus, portés par les thermies. Alain, je me souviens de toi; je me souviens de nous, couchés au bord du gouffre, regardant justement ces brumes, un jour, se fondre les unes aux autres, se dissoudre, puis s'en aller au loin. Je crois bien qu'alors j'aimais vraiment pour la première fois. Me revoici là-haut, les pieds au bord du gouffre – mais cette fois j'ai gagné le plateau par mes propres moyens. Hé Ruuti, on est arrivés! Un nuage sombre passe, qui voile la lumière au-dessus des croix des sommets, des murs de pierres sèches, des prairies à chardons, aux vagues d'herbe verdoyantes. Et quand on est en haut, il faut bien redescendre. Après l'ascension solaire de l'adret, la lumière grise, la poussière du roide sentier de l'ubac. Des fûts de sapins morts aux branches absentes. Une fontaine avare pour nos gorges desséchées. Descendre encore. Avant Noiraigue, revoici les détonations, les sifflements du stand de tir. Puis, le bruit rouillé d'un train, avec le retour de la moiteur.
La boucle est bouclée. Les rêves restent accrochés là-haut, vers l'azur, vers les nuages. Il faudra peut-être, un jour, remonter les chercher.

Lire aussi

Articles les plus consultés