Athos & Psychos


La route qui mène vers leur repaire est obscure; il faut quitter les quartiers éclairés, ceux où l'on rencontre encore des passants en nombre, pour se frayer un chemin vers une zone balisée par de hauts blocs de métal ou de granit, ponctués à leurs sommets de signes brefs, qui luisent sous la pluie froide. Puis, un cerbère indifférent vous ouvre la porte rouge et ensuite, il s'agit de vous défaire; de vous immerger. Sous les effigies de capricornes qui cloisonnent l'air enfumé (et qui rappellent en fait davantage les prosaïques Steinböcke grisons que l'animal mythique auquel les eaux du Styx conférèrent une queue de sirène), Athos vous a déjà repéré. Non, il ne ressemble pas à l'image que l'on s'en fait. Mais Psychos aussi, vous a déjà en ligne de mire et bientôt, tous les deux gravitent autour de vous. Et à chaque fois que vous vous tournez vers ce Psychos, Athos le prend en mauvaise part. A chaque fois que vous goûtez à sa langue suave, vous lui brisez le coeur. Surtout, il ne faut pas s'en émouvoir. Il faut ajouter une chose: les taupes sont nombreuses. Vous croyez un moment revoir Dorine, qui servait à l'époque au bar "Le Jockey". Ses cheveux ont un peu poussé depuis 1972, et ils sont maintenant de couleur rouge sombre; elle porte, ce soir, une mini robe étroite blanche à motifs cashmere dans les tons bleus. Peut-être est-elle anorexique. Il y a aussi la blonde à cheveux courts et comme encollés, seule, toujours, dans le même angle. Elle sourit parfois. C'est bien. Plus tard encore, à votre grande surprise, Annie Cordy s'approche de vous. Elle entame à votre attention une danse de serpent: face à vous, elle fait onduler ses bras gainés de manchons bleu pâle, s'abaisse, se relève et vous distinguez la racine grise de ses cheveux au moment où elle fait mine de vous lécher le bourion. Sinon, vous avez pu observer tout à l'heure plus en détail cette forme carrée, tracée dans le sol, là où, la dernière fois, quelque chose s'était ouvert dans le ciel, qui avait ménagé une trouée à même de gagner à la nage les rivages de Jupiter ou d'Orion: c'est très certainement une trappe d'accès, scellée. Mais vous ne savez pas où elle mène.



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