Chez Ken et Barbie


Un soir en sortant manger, on se trompe de chemin. Nous voilà perdus dans un lacis de rues résidentielles. Derrières les clôtures, les bosquets de lauriers, de bougainvilliers, les immeubles aux formes improbables se succèdent, partiellement éclairés par la lumière orangée des réverbères. En contrebas, des jardins avec d'innombrables piscines, aux eaux légèrement ridées par la brise, ou le courant des skimmers. Elles sont là, désespérément offertes, abandonnées, avec leurs margelles, bordées de dalles aux teintes claires, artistiquement posées. Chaises longues orphelines, parasols inutiles. La nuit révèle toute l'étrangeté de ce décor digne du monde rosé de Ken et Barbie: un rêve de perfection. Ailleurs, la dune s'achève dans une allée de bazars de plage, de bars à chanteurs tristes assis derrière leurs claviers, qui reprennent pour la millième fois Quando, quando, quando. Un alignement de restaurants avec leurs rabatteurs, leurs choix de pizzas, de paellas, de choucroute, de fruits de mer. Et partout, des écrans haute définition qui reflètent le vert criard du même match de football. Des terrasses, des terrasses, encore des terrasses, des palmiers aux troncs emballés de lumignons, où s'asseoir pour regarder déambuler la foule indolente du soir, femmes en robes de plage, ou alors vêtues comme dans leurs rêves de princesses. Cette ville est un mirage: celui du perpétuel été, du sable dans les chaussures, de la peau chaude et dorée, du temps qui cesse simplement de passer.
Plus tard dans la nuit, on se retire. Et quand le trafic cesse, quand les bruits de la foule s'atténuent, alors on perçoit la rumeur
lointaine et énorme de l'océan.
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