Sex-symbols


J'ai coincé mes vieilles Adidas Rom au fond de ma valise. Elles étaient blanches quand je les ai achetées aux soldes en 2005. Les porter systématiquement dans des soirées organisées dans des lieux douteux les a rendues crasseuses, élimées, la semelle laminée. Parfaites, me semble-t-il, pour la soirée Sneakfreaxx 21 du bar Stahlrohr, où débutent nos réjouissances berlinoises du week-end de Folsom. Ces pompes vont bien avec les chaussettes, le short et le t-shirt de la même marque (et dans le même état de saleté et d'usure) que je choisis de porter. Mais j'ai beau faire plusieurs heures durant la navette entre le bar et le darkroom de ce bouclard, je n'éveille l'intérêt de personne. La clientèle est plutôt du style scallies: bas de survêtements repliés, chaussettes de sport hautes, baskets montantes. Je prends note de ce décalage entre les désirs olfactifs avoués en ligne et ce qui se porte réellement ce soir-là. Au fumoir, on rencontre Jean, toujours en mal de câlins. Malgré l'odeur du tabac concentrée, je note que le fumet de ses chaussettes de foot est perceptible à un mètre. Pour la préserver, il les entoure d'un sachet plastique avant d'enfiler ses baskets. Chacun son truc... Reste que cet apôtre a réussi à faire ici sa petite affaire. Pas moi... Ses phéromones doivent être plus efficaces...

Samedi: jour de la grande parade. Fétichistes du latex, sirènes en lycra, sexagénaires barbus bardés de cuir, apôtres du fouet et des chaînes, faux chiens à fausses queues, cireurs de bottes: tout le monde converge vers la Fuggerstrasse. Quand on sait le prix de ces parures, on rêve en imaginant la valeur, au mètre carré, de la marchandise qui se pavane... On reconnaît ceux qui vivent loin et avec qui l'on ne communique que sur les chats. Des types bandants à qui l'on peut enfin adresser la parole, pour découvrir qu'ils parlent comme des folles. Décidément, personne n'est parfait... Bière, saucisses, photos: la Strassenfest est réussie; on a échappé à la pluie, tout va bien.
Vers minuit, grande migration derrière l'Hôtel de Ville, où la soirée PIG reprend ses quartiers, dans les mêmes salles que l'an dernier. Je décide d'y aller en jock strap de latex et cuissardes, torse nu. La vraie destination de cette soirée (sponsorisée, comme d'ailleurs la Pervert du vendredi et la Son of a gun du dimanche) par ces marchands de fétiches, c'est le sexe. Et pour cela, il faut descendre dans le darkroom qui s'étire dans l'enfilade interminable des anciens coffres forts de la Münze. En revanche, la disco, même volumineuse, n'est qu'un alibi. DJ's de seconde zone, musique médiocre sont le lot de ceux qui préfèrent la séduction sur le dancefloor à la consommation brute et aux halètements dans l'obscurité empreinte d'humidité, de relents de nitrite d'amyle et d'autres humeurs. Mais ici non plus, je ne séduis guère. Caramba! encore raté!
On ressort dimanche soir, après une journée comateuse. La Fuggestrasse est passablement dépeuplée. On reprend quelques bières, une pizza avec des amis. Et puis les bars. Peu de monde au Tom's, un peu plus au Mutschman's. Mais on comprend très vite qu'il ne se passera rien. Je veux dire: qu'on ne rencontrera personne. Finalement, Pascal cède et l'on finit par entrer au Goya sur le coup d'une heure du matin. Ici, le principe de la soirée est à l'inverse de celui la veille: on est là pour danser, le (très petit) darkroom n'est qu'un alibi. Visages souriants, bras accueillants, musique efficace. Je ne porte qu'un short en latex et des baskets (propres). Je danse en fermant les yeux. J'arrive enfin à mélanger ma salive à celle de quelqu'un. Tout n'est donc pas perdu.
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