La somme de ses actions

Il faudrait se défaire de ce sentiment lancinant. Qu'on a été victime d'une illusion; qu'on s'est trompé sur soi-même, tout ce temps. Qu'on a cru être quelqu'un d'autre. Oublier les attentes nées de cette croyance. Surtout, se défaire des comparaisons qu'elles suscitent, par rapport à cet autre soi-même fantasmé. L'autre jour, quelqu'un disait à la TV, propos des comparaisons: "Critiquera-t-on une vague parce qu'elle est moins belle qu'une autre? Une vague est, tout simplement..." Bien sûr, c'est un peu plus compliqué s'agissant d'humains plutôt que de vagues.
Être soi-même. Ne plus porter aucun fard. Aucun masque. Être une vague normale. Plus facile à faire par rapport aux autres que vis-à-vis de soi-même... 
Être conscient des constantes; des choses qu'on a toujours faites; toujours aimées, mais parfois refoulées. Réaliser qu'on a obéi à des diktats – le plus souvent par soi-même établis. Le système de valeurs convenu avec soi-même est résilié. On ne peut plus s'y référer dès lors que la réalité s'est imposée; qu'on ne peut plus l'ignorer. On ne va pas porter de masque, on ne va rien perpétuer qui relève de ce constat.

Être le type du sixième.
Ne pas être un amant spécialement recherché.
Être son plus fidèle amant.
N'avoir rien fait de spécial; rien de glorieux.
N'avoir aucun avis sur une multitude de choses.
Ne savoir ni n'aimer parler en public. 
N'avoir que peu d'esprit; et relativement lent.
Être planqué (et aimer l'être.)
Être casanier.
Être colérique et impuissant.
Être acratopège, en somme.
Admettre que la somme de ses actions n'a rien d'extraordinaire.
Passer outre. 

Cesser d'attendre quelque chose de la vie en elle-même. Reconnaître la collection des moments et savourer ce qu'ils apportent en tant que tels. Surtout, avoir conscience aussitôt de ceux d'entre eux dont la qualité est exceptionnelle et s'en réjouir.

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