Les jours meilleurs

Viens t'étendre à coté de moi sur le canapé et serrons-nous, à l'heure où la ville se met à scintiller. Serrons-nous bien fort, c'est peut-être le seul moyen d'arrêter la course du temps. Pourquoi faut-il toujours qu'il s'en écoule pour que l'on prenne conscience du présent? Le présent, on ne le connaît vraiment que lorsqu'il s'est éloigné. Quand il n'en reste pour preuve que les images, les films; les souvenirs, menacés de floutage; que ces choses-là, pour témoigner des ici et des maintenant qui n'en sont plus. Moments clés fugaces, instants de passage, bribes de conversations, notes de musique anodines, qui flottent sur l'océan du temps échu.

Album photo: une sieste. Un repas au Mac Do, au retour d'une promenade en forêt. Cette photo de mon salon, qui ne dit rien de mon désespoir, ce dimanche où, de retour de la gare, je me suis retrouvé désemparé, vide, sous un soleil acidulé. Mais quand je la regarde, cette sensation de cœur troué redevient vivace. Là, une fin de nuit d'hiver glaciale, sur un pont, à Zurich. Sortie de boîte. Et puis quelques dimanches soir enfumés, sur le tapis de ton salon. Quelques images encore de ce printemps de retrouvailles avec moi-même. Réminiscences de ces années où l'on pouvait tout faire. Tout, sans même y penser. Comme si rien n'aurait de conséquences.

Se serrer sur le canapé ne changera rien, bien sûr, car on est embarqué dans cette fusée. Il n'y aura pas de voyage retour.

Va-t-il falloir attendre dix ans, pour connaître le vrai visage d'aujourd'hui? La valeur de ce présent? Pour y reconnaître cette matière noire insaisissable qu'est le bonheur? Il ne faut pas y penser. Il est tentant de regarder en arrière. Tout y incite. Surtout ces facilités numériques, qui ne cessent de ressortir des images du tiroir, de vous les proposer. C'est tentant et douloureux, bien sûr. On revoit ce qu'on a eu. Ce qu'on fut. On sait ce qui est perdu. La projection vers le futur est une autre vaine tentation. Trop de variables, d'incertitudes pour les projets. Non: la seule chose à faire, c'est de se concentrer sur le présent. D'en saisir la fibre. De se laisser aller. La fusée est sur pilotage automatique, de toute façon.

Flash back
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