Pèpèpèpèpèpèpè! - onwards (vendredi)


"Pèpèpèpèpèpèpè!" a crié une femme assise derrière nous, en face d'une araignée à lunettes rouges, dans un restaurant espagnol bruyant de la Warmoestraat. J'ai compris que quelque chose commençait. Ce jeudi soir, nous venions de passer dans un magasin, disons, de primeurs. Alors le lendemain, quand Marcel est rentré de l'usine, on a pris, disons, une petite collation; et puis nous sommes tous monté prendre le soleil sur le pont. Un peu de vent. Les bateaux mouches qui passaient. Et au bout d'un moment, Marcel s'est rendu compte que sa vision devenait plus pointue: "I can see people individually", il a décrété. Fred s'est moqué de lui et la phase de fous rires a débuté. Moi, je me suis aperçu que la paroi de verre du Conservatoire protégeait une étrange structure jaune, comme un immeuble de Santa Fé ou de Miami Beach. Mais les autres ont eu froid et il a fallu rentrer. Sauf qu'à l'interieur, la lumière avait pris une teinte olivâtre. Marcel se sentait aussi oppressé, il trouvait que c'etait "petite, dark". Promener le chien semblait la bonne solution. Malgré nos sobres chaperons, le groupe prenait une direction imprécise. Apres avoir obliqué dans un quartier indistinct (où toutes les rues portaient à peu près le même nom), on est allé observer les arbres d'un parc - d'où il a fallu déguerpir car (imaginez!) on le bouclait pour la nuit.
Dans ma tête, en permanence, un mot d'ordre revenait: "onwards!".
Le soleil se couchait, les chaperons avaient faim, il fallait rentrer - bien que Marcel et moi eussions pu poursuivre la promenade ind
éfiniment, par besoin d'"everchanging movement". Personnages totalement improbables croisés en chemin. Surtout, le crépuscule magnifiait tout. Près du bateau, un ensemble de maisons comme emaillées me fascinait totalement.

Des fleurs mauves et jaunes nous sautaient au visage. Les interieurs, vus au travers des fenêtres: des scènes de théâtre à observer patiemment. Les rues: des perspectives infinies. Et en traversant le boulevard pour rejoindre le bateau, les batiments voisins illuminés ont surgi de l'eau comme des diamants purs, éclatants, sur un fond indigo. Les chaperons sont vite descendus préparer un repas. Je n'étais d'aucune aide, alors je suis resté dans la cabine, à observer le ciel, le Conservatoire, serti de joyaux diffractant la lumiere. Puis, un rubis est tombé lentement dans le ciel derrière le fraisier en pot, pour finir par exploser sans aucun bruit. Mais on m'appelait a table. Là, impression de comettre un crime en mangeant un tableau vivant, une sculpture de légumes. Au repas a succédé une phase frénétique: j'observais les autres totalement affairés à des préparations qui m'échappaient et m'amusaient. Finalement, je me suis retrouvé en quilt, chaussé de rangers, dans un taxi conduit par un type a longs cils et pouces tordus qui s'est faufilé, tel le cobra, entre des tramways, interprétant des feux tricolores comme personne. Enfin, nous sommes arrivés à Westerunie, dans une ancienne chimiquière où l'on donnait un grand bal fréquenté par des hommes poilus en jupes ecossaises; et alors les choses ont pris un tour plus habituel. Et quand ils ont passé "Uninvited" de Freemasons, j'ai serré mes amis dans mes bras car ce sont les meilleurs amis du monde; le harnais de Pascal sentait le mazout et mon cerveau flottait dans la confiture de prunes super sucrée.

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