Night gliders


Au bord de la Limmatt où l'on est habitué aux cortèges échevelés de la Street Parade, le défilé de samedi paraissait minçolet. Quelques chars bruyants, quelques chars muets... Gay Pride, un folklore annuel bien fragile: un ciel qui se couvre, un vent frais, une bonne douche et voilà l'ambiance dans le caniveau avec les confettis. Le soir, concurrence de fêtes. Les Ours vont à la Circuit, le Gamin et le Didy à la Testostérone (dont Igor prédit qu'elle sera le rendez-vous des "vieilles droguées"); et nous, à la Jim, au Kaufleuten - un endroit étouffant, bondé d'une foule improbable dont on ne pense qu'à s'échapper. Pour aller où, à deux heures du matin? Au Laby, bien sûr, là ou tout finit toujours à Zurich, n'en déplaise aux mauvaises langues toujours promptes à lancer des rumeurs de fermeture imminente.
Après la déception de ces deux soirées de fête qui n'en étaient pas, voici la satisfaction d'arriver comme à la maison, dans un club confortablement rempli, où l'on distribue des bises sans arrêt entre l'entrée et le bar, où l'on ne compte pas les visages connus. On monte fumer tranquillement en haut, avant de redescendre. Me voici au "coin du chien", sur les marches, à côté de Patrick, derrière Pascal. Je vois Miguel en slip de vinyl rouge sur le podium central; aussi, Christian le blond. Mental-X passe un de ces trucs plein de carillons aériens speedés qui vous font décoller immédiatement sans vous laisser le temps d'attacher votre ceinture. Tous les torses nus oscillent, la sueur mouille chaque peau, voilà déjà la condensation qui pleut des gaines de ventilation. Et l'air épaissit. Le Poulet est maintenant debout devant le DJ, déchaîné, les bras au ciel. Didy et le Gamin sont arrivés et se postent près de la porte des toilettes. Des WC où stationnent d'étranges créatures, aux faces marbrées de rouge, aux torses décorés de tatouages, de bijoux; les baskets malmenées ou les lourdes chaussures militaires pataugent sur le carrelage. Il n'y a plus de papier pour s'essuyer les mains et le ventilateur est en panne. Retour sur la piste, où le basculement a déjà eu lieu: les substances provoquent grimaces, moues; chacun chique; les maxillaires comme des étaux. On ferme momentanément les yeux, certains les roulent hors de leurs orbites. Uriner devient impossible ou alors orgasmique. Plus de place dans le salon du haut, sauf sur la grande banquette circulaire où l'on observe le défilé vers le darkroom. Je m'y installe avec un homme au menton volontaire, prénommé Christian. Plus loin, deux barbus se masturbent mutuellement à un rythme frénétique, les yeux clos. Tout à coup, quelqu'un ouvre la porte de secours. La lumière du jour parvient jusqu'à notre recoin. Des garçons sortent sur la plateforme, on voit un soleil de cuivre se refléter sur leur peau.

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