πέντα-Βερολίνο


Penthaz: découverte, voici déjà dix jours, d'une nouvelle étape du Tour du Pays de Vaud. Un soir idéal pour courir, dans la douceur et la lumière limpide de l'arrière-été. Je me retrouve, au départ, derrière cet asthmatique de Pacific 231. Alors que l'on n'a pas déjà couru 300 mètres, il produit déjà cette double expiration typique, qui devient vite exaspérante quand on a ce personnage dans les alentours en pleine course. Heureusement, une distance se creuse, le type disparaît dans le peloton qui traverse Penthaz. Je découvre ce village près duquel on est passé des dizaines de fois avec le Pépé; je me rends compte que nous ne nous étions jamais aventurés dans son centre, où est un étonnant petit manoir du XVIIIe siècle, tout à fait charmant bien que coincé entre des constructions sans grâce. Puis notre serpent dévale un chemin de béton. On plonge dans un vallon, pour remonter ensuite vers l'est, puis le nord, le long d'un cordon boisé où les allures s'installent. Une petite pente face au Jura. Le soleil brille de ses derniers feux derrière un arbre splendide; la lumière se répand au-dessous d'un plafond de nuage. Cela crée un clair-obscur qui donne au vert des prés un ton quasi psychédélique. Magique. Virage à droite. Sur la crête voisine, le clocher de Cossonay. Je suis chez moi. Je ne suis pas ailleurs avec ma tête; juste: là. Posé dans le paysage. On passe sous un pont routier, pour rejoindre un autre chemin de champ, un bosquet que je reconnais: nous étions venus promener les chiens un jour ici, avec PY... Moment difficile entre les kilomètres 5 et 6. Je dépasse P.-A. qui semble à bout. Puis un type joli à regarder me dépasse à son tour. J'avais déjà remarqué ses curieuses chaussures rouges et noires, dont l'aspect brillant me rappelle bizarrement les pantoufles de la cousine Eva. Celles, matelassées, qu'elle portait l'après-midi où ma mère m'avait confié à sa garde le temps d'un rendez-vous chez le dentiste. Une heure durant laquelle je n'avais cessé de geindre et de pleurer, et où aucun des amusements que me proposait la pauvre femme ne pouvait me distraire de cet inextinguible chagrin dans lequel j'investissais toute mon énergie... Une montée précède l'arrivée. Ce crétin de Pacific 231 m'a doublé tout à l'heure: je l'ai laissé passer, juste pour n'avoir pas à subir son bruit. J'aurais voulu l'insulter, le tuer. Voici le portique gonflé d'air. Le speaker pérore dans la sono. La commune de Penthaz, qui fête les mille ans du village, offre une bière à chaque coureur. Je fais mes étirements. Le soleil est couché maintenant. Je rejoins un vestiaire aux douches avares. Je ne reste pas pour le repas.




Berlin: la version européenne de Folsom Fair est une autre découverte. Samedi après-midi, la ville boucle la Fuggerstrasse et une rue transversale, livrées aux marchands de cuir, latex, fouets, cages et autres panoplies SM. S'y presse la clientèle de ces mêmes commerçants, venue des quatre coins de l'Europe – et même des Etats-Unis – pour parader dans ces coûteuses tenues. On déambule, infiniment lentement, presque silencieusement. On se fait photographier, filmer par des dizaines d'appareils, de téléphones portables tenus à bout de bras. On boit des bières. On visite les stands. On se montre. On regarde. On observe des types déguisés en chiens et qui marchent à quatre pattes ou se couchent sous les tables aux pieds de leurs maîtres. Après quatre passages dans chaque sens, cette distraction lasse et l'on a envie de rentrer se reposer... La soirée PIG a pour cadre l'ancienne fabrique de monnaie de la RDA. Les clients (1000, 2000 types?) se répartissent entre un bâtiment plutôt carré où sont des bars et la piste de danse, et un autre, très allongé, où sont les vestiaires, le bar des slings. Et, surtout, des sous-sols infinis (en réalité, les anciennes chambres fortes) où s'aligne une impressionnante série de back-rooms plus ou moins équipés. Assez pour bien s'amuser jusqu'aux petites heures, donc.
Dimanche soir à boboland (je veux dire: Prenzlauer Berg): la visite de sculptures sonores dans un ancien réservoir d'eau s'accorde totalement à notre état semi comateux. Puis, sur la colline qui abrite ces mêmes réservoirs, on regarde un orage approcher de la ville, alors que la nuit tombe brutalement. Les balises lumineuses de la tour de la TV y perdent momentanément leur synchronisme. C'est, là aussi, magique.
Lundi: ultime découverte, la promenade sur l'ancien aéroport de Tempelhof. Marcher sur la piste bitumée, entourée d'hectares de pelouse, alors que le soleil brille et que le vent souffle par bourrasques: voilà qui vous lessive la tête. L'herbe achève de nous transformer en cosmonautes. On atterrit au restaurant thaï de la Bergmannstrasse: il faut bien se lester.

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