La chambre des délices

C'est au moment où je me retrouve dans cet appartement que les souvenirs me reviennent.
Je vivais là, il y a des années.
Je vivais là, mais tout était très différent alors. 
D'abord, ce logement était très ouvert, j'ai envie de dire qu'il s'agissait quasiment d'un lieu public. On y allait et venait, toutes sortes de gens. Des amis.
J'avais ma place dans cet appartement, dans ce lieu. Ma chambre. 
Mais surtout, le sentiment qui domine, c'est le regret, la mélancolie. Car au moment où me reviennent les souvenirs de ce lieu retrouvé, de ce temps révolu, je réalise avec acuité la perte de la jeunesse, de la simplicité, de la légèreté qui m'habitaient.

Tête vide.
Cœur léger. 
Maison ouverte.
Indistinction de l'espace privé et public...
Du moi et du toi.

Aujourd'hui dans cette maison, je ne suis plus chez moi. 
La nuit dernière, j'errais dans les pièces, des chambres à coucher, juste avant que le souvenir remonte (je vivais là, il y a des années...) C'était, cette fois-ci, la maison de B*.
Il entre dans la pièce où je me trouve. Nous parlons. C'est lui qui vit là, maintenant. Plus moi.
Je ne me sens plus à ma place dans cette maison. 
De vagues souvenirs me reviennent encore. Pas des souvenirs, non. Des réflexes. Comme: trouver le commutateur du premier coup, dans l'obscurité complète, quand on se lève au milieu de la nuit pour aller boire un verre d'eau.
Et je me demande si ces gestes automatiques et précis ressusciteraient, si je pouvais dormir là une nuit, à nouveau.

Ce rêve, récurrent et rémanent, signale sans doute simplement la tristesse de savoir achevée la première mi-temps. Et la nostalgie d'un temps où l'on pouvait vivre sans savoir.

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