Position de retrait

"Jusqu'en octobre, vous maintenez une position de retrait", me dit l'horoscope. L'année risque d'être longuette... Le retrait? faire un pas en arrière; être observateur plutôt qu'acteur; éviter de prendre part aux jeux; ne pas faire acte de candidature. Je crois que tout ceci est dans mes cordes. Jeudi en fin de journée, j'ai malgré tout fait un demi pas en avant au moment de prendre la parole devant la trentaine de personnes invitées à l'apéritif de départ de L. Il s'agissait juste d'introduire l'hommage en forme de clip vidéo, concocté par mes collègues. Ces quelques secondes de speech insignifiant m'ont coûté, car je déteste plus que tout m'exprimer en public. Et à nouveau, il a fallu, lors de cette verrée, faire face aux mines étonnées, sinon déçues, voire réprobatrices, quand je devais répondre pour la énième fois que non, je n'avais pas fait acte de candidature à sa succession.
Mon patron s'en va. Soixante-cinq ans, une carrière bien remplie. Pourra-t-on dire ceci de moi dans vingt ans? Certainement pas. Pour lui, une position de retrait, contrainte, celle-là. Il tourne une page. Nous autres aussi. Pour moi, ce furent six années et quelques mois de tranquillité professionnelle, de relative stabilité, de routines quotidiennes, gages d'une certaine sérénité. Merci. J'ai d'autant plus apprécié de travailler avec lui après les six précédentes années, passées dans une ambiance professionnelle quasi hystérique. On me transfère provisoirement les quelques responsabilités qu'il assumait et dont je me passerais bien, car je préfère, justement, rester en retrait.
Ce départ et la vacance du poste de L. m'a confronté de manière aiguë à mon choix de vie. A ma tendance au retrait. A la préférence que je donne à ma tranquillité d'esprit (mais je devrais peut-être honnêtement dire: à tout ce qui me permet de réduire au minimum les interactions entre mon monde intérieur et le monde réel).
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Depuis bientôt quinze ans, nous consultons mutuellement nos profils respectifs sur les sites de rencontre. Nous nous sommes finalement rencontrés hier soir. Il a cinquante ans, il vit à Lausanne, est fétichiste du latex et fait de la course à pied. Assez pour donner matière à quelques petits jeux excitants et des conversations passionnantes jusque tard dans la nuit. Juste ce qu'il fallait pour dissiper l'humeur chagrine qui s'était installée la semaine dernière, coincée entre la pathétique soirée Jungle de Pentecôte (qui m'a privé d'un beau lundi ensoleillé, passé à dormir) et le très oubliable départ de L.  

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