Tour du propriétaire

Automne, douceur, lumière dorée... Temps idéal pour enfiler les chaussures de course et refaire, une nouvelle fois, "ma" boucle jusqu'aux portes de Crissier. Pour n'avoir pas emprunté ce parcours depuis plusieurs mois, je note les changements intervenus dans ce décor banal. Au centre de Prilly, on passait devant ce café charmant, désuet avec sa tonnelle, sa terrasse sous un platane. Il a été rasé. Un immeuble de deux étages, encore occulté par un échafaudage, occupe maintenant la parcelle. Y aura-t-il un bistrot à cette adresse? Trop tôt pour le dire. Je me souviens des clients qui fumaient ici sous les parasols en buvant des bières... Une clientèle balkanique. Plus loin au rond-point, après le passage souterrain, amélioration de la situation pour les piétons: un grand espace a été dégagé aux abords de la fontaine. Plus besoin de faire attention en traversant la rue: elle est devenue piétonnière. C'est bien. Un peu plus loin encore, à l'emplacement d'un magasin d'électroménager, on trouve un distributeur automatique de... steaks tartares (jumeau d'un autre appareil, à la gare de Renens). Qui peut bien s'approvisionner ainsi en viande crue? Y a-t-il donc une clientèle avec des envies de femme enceinte, des besoins alimentaires irrépressibles aux heures où boucheries et supermarchés sont fermés, et qui gagne (sans doute en voiture) la niche où est cet appareil? Mystère...
À quelques centaines de mètres de là, la série d'immeubles en PPE qui borde la route de Cossonay est achevée. Des cubes bruns et blancs. Un ensemble plutôt réussi, séparé de la chaussée par une bande de gazon jauni. Derrière des baies vitrées du rez, de grands panneaux "Arcade commerciale à louer". Bonne chance! Qui va s'installer là, le long d'un axe routier, et sans lien direct avec le trottoir? Des ongleries? Des cabinets médicaux ou vétérinaires? On verra bien. Je me souviens qu'à cet endroit même paissaient encore des moutons, voici peu de temps. Les voyant, derrière le treillis qu'on n'a pas ôté, je fustigeais intérieurement la commune de Prilly, qui maintenait un terrain agricole en pleine zone urbaine, et en pleine crise du logement. Voici donc la parcelle construite; comme l'a été celle où habite Claude, en suivant encore la route. Le panneau de chantier des "Miroirs du Léman" me revient en mémoire comme j'atteins ces immeubles. En comparaison avec la précédente promotion, ils paraissent insignifiants. Comme s'ils avaient toujours été là. Très ordinaires, en fait, avec leur couleur beige, la banalité de leurs façades...
J'hésite à couper par la Mèbre. Non, je prends quand même l'avenue des Alpes. Me voici déjà à Renens. Là où était une banque, voici un autre distributeur automatique: de pizzas, cette fois. Bon, les vending machines sont dans l'air du temps, je suppose. Cela va avec la décrépitude du commerce local: on commande en ligne. On se fait livrer. En dernier recours, on pousse jusqu'à un distributeur, où l'on paiera par SMS ou avec une carte. Ainsi va la vie.
Plusieurs petits chantiers de construction sur l'avenue du 14-Avril; impossible de me souvenir des bâtiments détruits. De petites villas, sans doute. Rue de Lausanne. À droite, au-delà des voies ferrées, encore emballée dans un échafaudage, une nouvelle tour concurrence le silo; prélude à un ensemble de bâtiments administratifs où la direction régionale des CFF déménagera bientôt. Les jambes un peu lourdes, je longe la barre d'habitation récente, bâtie à l'emplacement de la ruine que fût longtemps l'ancienne fabrique de cuisines, incendiée. Un jour, saisi d'un besoin pressant, j'avais dû m'introduire dans cette friche pour me soulager derrière la palissade. De jeunes arbres sauvages, des robiniers sans doute poussaient là, vifs, pleins de feuilles, sous les fenêtres brisées. On trouve un restaurant à la pointe de l'immeuble, au carrefour. Avec une terrasse, posée sur le bitume noir. Un four en été, assurément. Ils auraient au moins pu paver le glacis de l'immeuble... Puis, c'est le purgatoire: jusqu'à Perrelet, le trottoir longe la route, avec sa circulation, sans rien donner à voir que des voitures et des bus qui passent. Les immeubles se cachent derrière des arbres, en haut d'un talus. De l'autre côté, le sarcophage métallique du dépôt des bus. Après, derrière la voie ferrée, les murs de la nouvelle patinoire sont déjà hauts. L'image des haubans de l'ancienne structure me revient, avec sa rouille: esthétiquement, on gagnera au change, c'est sûr.
Traversée du carrefour de Malley. Le feu est vert, pas besoin d'attendre. Je me demande si je vais tenir, courir jusque chez moi sans m'arrêter... Vers la fondation Clémence, les gabarits posés à l'emplacement de l'ancienne station Shell ont disparu. J'ai vu dans le plan d'enquête publique que le droit de bâtir correspond à la hauteur de l'immeuble de la fondation, soit à peu près huit étages. Plus haut, de l'animation sur l'esplanade devant la Coop. Je tiens le coup. Après la rue Couchirard, coup d'œil sur le chantier de construction de l'immeuble qui remplacera l'ancien garage. Odeur de béton frais. Ce sera de l'habitat, pour caser du monde, sans manières, comme en face. Je passe du trot au pas à la hauteur de l'ancien tabac journaux. Tout va bien.


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