Route de Cossonay


Deux heures devant moi. Le soleil du printemps qui appelle et un article qui peut attendre demain. Je purge l'iPod de quelques morceaux dont je ne supporte même plus l'intro; j'en charge d'autres [Sieg der Liebe, Jens Buchert...]. Je m'habille et revoici que défile le bitume. Mon cher parcours ordinaire, confortable comme une vieille paire de baskets et dont je connais chaque ornière. Avenue d'Echallens; la pente vers Prilly; la tonnelle du café; l'obscurité du passage souterrain. Au rond-point, un massif retourné. Des pigeons y picorent les graines que des jardiniers viennent de semer. Route de Cossonay. Après la boulangerie, des vitrines dévastées: les beaux frigos Sibir n'y sont plus, mais un panneau de la régie: Commerce à louer. Traverser prudemment aux feux du garage de l'Etoile. Plus loin, le terrain vague, cet automne encore envahi de berce et de fausse rhubarbe, maintenant éventré par les machines. Les bétonnières tournent déjà, pour bâtir là Dieu sait quels "Miroirs du Léman". Vue imprenable sur la banlieue ouest et le silo de Renens. J'avance, trop couvert, le pas lourd, 10 à l'heure. Le ciel de printemps nous venge des tristes jours passés. Quelques nuages moutonnent au-dessus du Jura. Voilà un petit vent pointu qui rend tout mobile, tout pur: je l'aspire. Je lui dis: Lave-moi! Lave-nous! Chasse la fumée du salon de Pascal; emporte la brume du dimanche matin sur Förrlibuckstrasse. La nuit a été longue. Samedi 21, soir de l'équinoxe, nous retournerons à Zurich et cette pensée suffit à me réjouir.
Rue des Alpes, trois corneilles sur une haie de thuyas. Celle de gauche me suit des yeux, comme un quidam observerait un passant, de la terrasse d'un café. Comme dimanche, on croise des adolescents, blousons ouverts, coiffures au gel. Ils laissent, dans leur sillage, l'odeur de la lessive de leurs mamans.
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