Blade Runner


J'ignore pourquoi, mais la date est restée inscrite dans ma mémoire. Voici exactement 25 ans jour pour jour, nous nous étions donné rendez-vous avec Triac. Le cinéma de mon oncle venait d'être rénové. Nous avions pris place dans les gros fauteuils accueillants. Les deux notes du gong avaient résonné comme d'habitude et l'obscurité s'était faite entre les parois floquées de fibres noires et rouge cardinal.
Le choc était survenu dès les premières images. Un film de science-fiction dont l'action se déroulait sur terre, avec de la pluie, de la saleté, des torchères incendiant le ciel d'un Los Angeles crépusculaire ; tout un univers de lieux, d'objets, de vêtements, d'appareils futuristes, traités avec désinvolture par les acteurs de ce futur chaotique. Les parapluies aux manches lumineux, les stands de sushis truffés d'informatique utilitaire et grasse; l'omniprésence des écrans; les véhicules volants et surtout, le téléviseur lecteur d'images à commande vocale... Les zeppelins publicitaires... Les voix nasillardes et répétitives des feux tricolores... Et par là-dessus, la musique d'un Vangelis totalement inspiré, mixant notes modulées et bruitages...
Ce soir-là, ma vision du futur allait se trouver conditionnée - comme, je pense, celle de quiconque découvrait Blade Runner en ce temps où le high tech, c'était la chaîne stéréo à leds bleuâtres, derrière la vitre fumée de son rack, dans un coin du salon.

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