Drei Tage wach



Jeudi - Non mais quoi? Je ne vais tout de même pas rester à me reposer à la maison? Boire un verre, juste une heure. Je cède. File d'attente avec quelques cuirettes internationales. Mais le portier du Mutschmans ne veut que des chaussures en cuir. Le New Action réservé aux fisteurs jusqu'aux petites heures, on finit au Scheune, bondé. Regards lourds, généreuses effluves de poppers. Je m'assomme d'une bière sous une lampe de disco aveuglante en rêvant de mon lit.
Vendredi - Après-mid
i. S-Bahn, Ring nord jusqu'à Schönhauser Allee. Foison de terrains vagues, de friches industrielles. Chez Blackstyle, j'achète les quelques babioles commandées par Arock. Le vendeur nous propose les "deux derniers" tickets pour la Snax. Retour par le Ring sud - la ville est circonscrite. Le soir, on retrouve les Hollandais au New Action. A 21h déjà, on fourre nos vêtements dans des sacs poubelles. Nous voici en shorts de sport et baskets à nous mater entre premiers clients. Le bar se remplit. Pascal se trouve tout de suite un parti. Je vais visiter l'arrière salle où je fais quelques connaissances très superficielles. Rien de solide. L'animation grandit. Le staff organise une tombola avec les numéros de vestiaire. Trop énervé, j'arrose le sol du dark room, puis douche un crapaud de pissoir qui lance des regards à fendre l'âme. En mangeant un burrito très moyen à côté, on choisit la plus reposante des solutions, d'entre le lit et la Pervert.
Samedi - Un café
chez les Hollandais. On détaille les aménagements faits à l'appartement depuis l'an dernier. Mention spéciale pour la fausse cheminée de salon... On sort prendre un verre dans la pluie et le froid. Puis repas, préparatifs. On est au Berghain très tôt. Dans le hall, des dizaines de garçons en train de s'habiller fétiche. Et nous, pignouflets! avec notre coton militaire. Je quitte assez vite mon treillis pour ne garder que mon short adidas. En haut, les Hollandais sont les premiers sur la piste. La soirée commence lentement. On reste scotchés 20 minutes sur les marches du podium avec le premier bonbon. Je fais une théorie à Pascal sur les nouvelles cathédrales et le sens actuel de la communion. Puis je visite l'intégralité du rez. Enfilade interminable d'alcôves; lits métalliques; grille à excréments; pataugeoires. Hommes en jocks et tabliers de caoutchouc croisés dans les couloirs sombres. Dans une niche, deux statues de marbre sous une lumière sidérale, le bras de l'une dans le fondement de l'autre, jusqu'au-dessus du coude. Pascal me signale que ce ne sont pas des statues... Je remonte. Sur le podium, un Parisien décérébré lèche nos baskets, broute une chaussette de Pascal. Je le compisse. Plus tard, deux Barcelonais me tendent une auge de chien pour que je la remplisse. Peu convaincus du résultat, ils le jettent au sol. Près du bar, dialogue silencieux entre deux garçons. L'un a découpé son top de latex noir autour de ses tétons qui pointent. Il astique son engin gainé d'un étui pénien luisant. Je salue deux Zurichois; reconnais des garçons de l'an dernier. L'un me masse les épaules. Sam danse comme un pantin en haut du podium, en veste de moto cross. Je vois Pascal tête en bas, dans les bras d'un type décoratif, garni d'un anneau dans les naseaux, qui le tient dans cette position le reste de la soirée. Au matin, je quitte les lieux avec un Français en cuissardes qui m'emmène dans le studio qu'il loue.
Dimanche - Nollendorfplatz, le soir tombe déjà. Lumière apaisée. Dormi une heure chez ce type qui a fini par me chier sur la gueule - voui Madame! ça a mit fin à notre Amour. Métro jusqu'à Hauptstrasse. Pascal ronfle bouche ouverte, avec sa gouttière, d'un sommeil si profond que je m'amuse à lui pincer les lèvres et le nez - il ne se réveille pas. On boit un thé. Andréas veut aller à la GMF à minuit. Je réalise qu'il faut que je dorme. Quand le réveil sonne, trois heures plus tard, je dois m'accrocher à l'idée que je vais réellement ressortir. Micro ondes, plats réchauffés. Départ précipité. Voyage en bus jusqu'à Alex, par Postdamer Platz. Longue file d'attente sur le trottoir, sous une horloge qui égrène 45 longues minutes dans un froid anesthésiant. Clientèle jeune. Regards perplexes échangés avec Pascal. Douzième étage. Tech house commerciale. Trop de monde, agressivité, bousculade permanente, impossible de trouver un coin tranquille. On se dit qu'on ne fera pas de vieux os. Et puis, lentement, la soirée gagne en sérénité. Pascal se fait conter fleurette par un beau type au nez aquilin. Les platines passent aux mains d'une blonde juvénile, très maigre, totalement inspirée. Vers cinq heures, les baies vitrées révèlent un ciel laiteux, qui finit par s'embraser. Le jour monte. On danse encore. Arrivent d'autres personnes, totalement inattendues. Le soleil est une boule rouge qui allume les visages. Un garçon hilare, à casquette, s'installe dans un canapé, l'air incrédule. Derrière nous, une fille de 20 ans aux paupières alourdies de fard pailleté. Son ami, même âge, look Tokyo Hotel, secoue par saccades ses cheveux noirs et blonds. Un jeune pantin aux jambes maigres et baskets pointues bondit sur la piste et scande les paroles de Drei Tage wach. Un type corpulent me sourit, on se moque des bottes pointues d'un autre. Disparité fascinante de la clientèle, comme si l'on avait importé ici le contenu d'un autobus. Aux lavabos, sur la piste, des gens bien intentionnés nous conseillent de poursuivre la soirée au Sage club - au lieu de quoi, nous allons au cybercafé prolonger nos billets d'avion jusqu'à mercredi.
Journal de la descente - Lausanne. Aterrissage interminable. Nuits terribles, hantées de rêves laborieux, auxquels participent tant mon cerveau - qui psalmodie des contes compliqués et cruels - que mon corps, qui lutte dans le songe. Car c'est bien aux heures sombres que se distillent maintenant les provisions de plus d'un mois de fêtes ordinaires, liquidées en deux nuits... Me reviennent les rêves berlinois des années 90, jamais accomplis. Par manque de courage. Je mesure le temps qui me sépare de cette période, tente d'estimer l'impact qu'aurait eu ce mouvement sur ma vie, mais c'est impossible. Je consulte mes plans de ville d'alors, avec leurs gares aux noms disparus. La rêverie est d'autant plus cruelle que le temps des possibles se restreint...

[Auf gehts ab gehts, 3 Tage wach
Nächste Party kommt bestimmt, 3 Tage wach
Afterhour vor der Hour, 3 Tage wach
3 Tage wach jetzt wirst du langsam schwach

Punkt Punkt komma klar, 3 Tage wach
Du warst gestern auch schon da, 3 Tage wach

Bunte pillen Fete, 3 Tage wachPuls wie ne Rakete, 3 Tage wach]


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