Bretaye


Coucou,

Alors que les villes changent, que les immeubles grignotent les anciens vergers, la forme des montagnes ne varie jamais. Les lointains cadres de l'horizon sont les témoins aussi fixes qu'indifférents de notre passage. Nous nous suivions sur le téléski de Chaux-Ronde cette fin d'après-midi avec les garçons. Le dernier soleil magnifiait la lumière, créait des contrastes féériques en révélant la profondeur des couleurs - celle des sapins, celle des hampes oranges des assiettes, celle des sommets poudrés, là-haut, du côté des Diablerets. C'était irrésistible, alors nous nous sommes offert cette dernière descente. Sur la droite, le massif du Muveran se détachait sur un bleu qui s'apprêtait, de quart d'heure en quart d'heure, à virer à l'indigo. J'ai repensé aux images tremblantes des films de Pap, où l'on voit les mêmes montagnes, les mêmes teintes. Puis j'ai pensé à toi. Et à moi. Aux jeudis de ski scolaire, sur les mêmes pistes. A mon retour à la maison, ensuite. Le téléviseur allumé, une publicité pour les bananes Chiquita qui me reste encore en tête; et toi, sous le néon de la cuisine, à préparer le souper. Et alors, dans une étrange et brève rêverie, je t'ai imaginée aujourd'hui. Tu serais probablement retournée vivre à Cossonay... Peut-être lorsqu'ils ont détruit ta maison près de la gare... Cela fait un vide, sais-tu? Tu aurais retrouvé la Jen, vous boiriez le café ensemble et peut-être que votre ancienne complicité vous aurait vraiment réunies, avec les souvenirs partagés, les rires. Peut-être...

Je t'embrasse. Tout va bien.

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