Centre commercial


Voici la pluie, le foid. La nuit précoce. Novembre... Cet après-midi, une course inutile, au centre commercial de Crissier, décoré pour Noël. Est-ce le fait de déambuler? L'air climatisé? La lumière vive et lisse? Le simple tour de la galerie marchande me rend cotoneux, somnolent. Pour profiter de la voiture, on roule jusqu'à l'entrepôt d'Emmaüs, où je ne suis pas retourné depuis longtemps. Assez, en tout cas, pour qu'un quartier entier de petites villas ait poussé autour du bâtiment des chiffonniers. On vérifie là, entre ces façades ocres ou beiges, ces fenêtres déjà garnies d'angelots, le phénomène de mitage du territoire, de disparition du sol. Promenade maussade et frisquette entre les rayonnages de vaisselle dépareillée, de vilaines lampes, de meubles échoués, de boules de Noël tachées de cire. Rien d'intéressant. Sur le chemin du retour, ciel bas, route mouillée, éclairage orangé du tunnel de Cheseaux. Un paysage bâtard, mi-campagnard, mi-banlieusard, assez déprimant dans cette lumière sale. De retour en ville, on pénètre dans le centre commercial Métropole cette fois, rénové par la Migros à coups de millions. La nouvelle cage d'escaliers relie maintenant chaque étage des bâtiments jumeaux, en manière d'énorme aquarium, noyé dans la lumière violente de trop nombreux néons. Bienvenue! H&M, Cats & Dogs, Casa, Naville... Défilé monotome des sempiternelles enseignes, les mêmes qu'à Crissier, les mêmes que partout, d'ailleurs. Seul m'amuse, brièvement, l'exercice consistant à retrouver les anciens cheminements dans la structure chamboulée de l'édifice. On prend un café. Le fond de la cafétéria du troisième est curieusement plongé dans la pénombre, les baies vitrées font de larges taches sombres. Dehors, la nuit vient de tomber. Place Chauderon, le claquement des perches des trolleybus, les passants hâtifs, les feux rouges des voitures et cette envie de rentrer, vite, voir si les radiateurs sont chauds.
[On aurait regardé le jour s'en aller, les lumières s'allumer; la pluie glisser sur les vitres; le vent secouer les plantes. On aurait peut-être fini par se coucher sur le gros coussin. Ou peut-être même, sur le lit. Les mains, la peau, grasses de silicone. Le salon aurait été en désordre, des plis sur le tapis, des verres poisseux sur la table basse. De la musique dans la stéréo. Tout cela aurait eu lieu maintenant, en ce moment-même. J'y pense, dans la rue, dans l'air humide et vif, en rentrant chez moi. Comme si je me dédoublais, comme si je pouvais m'observer, moi-même, du balcon, à travers les fenêtres...]

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