Le dilettante


Faut-il se méfier des choix que l'on fait sur un coup de tête, un jour, par nécessité, en se disant que l'on opte pour un palliatif, pour quelque chose de temporaire? Quand, on le sait, le provisoire est souvent fait pour durer. Puis les années passent, les choses se sclérosent lentement mais sûrement. Le provisoire se pérennise. Ainsi une décision prise à la légère finit-elle par engager sur le long, le très long terme peut-être. Se peut-il que je manque tellement de vision à long terme, justement? Se peut-il que je sois à ce point myope? Naïf? Si dépourvu d'ambitions? Est-ce que je joue à cache-cache avec moi-même? Parfois j'ai peur, peur d'avoir tout pris à la légère, depuis mes 15 ans. De ne m'être engagé ni dans les sentiments, ni dans le travail. Ni même dans la sexualité, domaine dans lequel je m'étais un jour promis de me réaliser. Pour, aujourd'hui, relâcher la pression, baisser mon niveau d'exigences, me retranchant derrière l'excuse des illusions. Aujourd'hui, j'ai peur de devoir, un jour, payer pour cette succession de renoncements. De regretter mon manque d'ambitions. D'un autre côté, je me demande si toutes ces attentes confuses, tous ces possibles ne relevaient pas, au fond, de chimères? De fantasmes, de projections? Et qu'en fin de compte, la somme de mes actions reflètera simplement ce que je suis réellement? Un dilettante... Que mon chemin, cette suite de choix plus ou moins clairs, mais qui auront eu pour dénominateur commun la facilité, sera finalement celui qu'un déterminisme (je devrais peut-être plutôt écrire: qu'un fatalisme) m'aura fait emprunter, tout simplement? Je pose beaucoup de questions...
Samedi soir, la Shaft. Le porno style "business attire" remplace les kaléidoscopes sur les écrans de la mezzanine. La sono réglée trop fort assène la musique rustre de 5th Element. Sur la piste, mes yeux cherchent en vain la connivence d'autres regards. Mais un phénomène puisssant rend l'atmosphère instable, nuit à la cohésion que j'aime ici. C'est bien sûr le sexe, la quête de sexe qui crée cette volatilité — d'ailleurs vers quatre heures, la boîte se vide massivement: des couples se sont formés et s'en vont consommer leur rencontre ailleurs. En dansant, je ressens les frontières physiques de ce groupe; alors je cherche à me rapprocher de son centre. Un moment donné, me voilà entouré de personnages peu aimables, dont le petit Genevois en jock-strap, et son jules, qui me rappellent cette terrible after de l'été 2006 à Castelldefels. Dehors, un matin gris et froid. Sur le chemin de l'appartement d'Igor, un type sous une capuche grise, rentré de Thaïlande la veille, me vante, en les détaillant, la modicité des prix des repas de ses vacances. Un verbiage dont je me passerais. Sur le Hardbrücke en travaux, nous loupons l'escalier piétonnier provisoire vers Hardplatz: nous voici sur la rampe des voitures, piétinant, sur l'étroit marchepied dont le parapet nous arrive aux genoux, des restes de neige noirâtre.

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