Sans bouger


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Je ne sais pas si, comme moi, vous êtes aussi fans de Google Street View. Pour ce qui me concerne, on pourrait même dire que j'en fais une utilisation compulsive. Dès que j'ai un moment creux, je me promène aux quatre coins du monde, sans quitter mon siège. J'ai visité des lieux où je n'irai peut-être jamais: le quartier des cages, à Bombay; des rues sinistres du Bronx; aussi, des quartiers d'entrepôts à Vernon, Californie; je suis virtuellement retourné à Nantes; j'ai repris avec émotion des routes bretonnes où j'avais roulé voici vingt ans. Je vérifie systématiquement à quoi ressemblent les lieux où se déroule l'action du roman que je lis – une manie de vérification que j'ai depuis longtemps. Cela me rappelle un jour de l'été 1998, à Montréal: sous prétexte de faire le plein d'essence et de laver la voiture qu'on nous prêtait avec une maison, j'étais parti à la recherche du 7760 Saint-Vallier. Une adresse en réalité inexistante, mais dont le nom, fredonné par le groupe Beau Dommage dans un refrain d'autrefois, m'était resté en tête. Et pendant ce temps, je laissais aux autres le soin de ripoliner la maison. D'accord, je ne suis pas un très bon ami.
Google Maps et Google Street View me permettent de m'évader, de me dépayser, de survoler des coins inhospitaliers. Un matin par exemple, j'ai suivi le tracé de la ligne à très haute tension qui relie Moscou à une centrale thermique à charbon perdue aux confins du Kazakhstan. Sa trace disparaissait parfois sous des nuages, la résolution des orthophotos changeait, mais je finissais toujours par retrouver le sillon des câbles dans le paysage désolé. On se dépayse vite, sans bouger, sans dépenser un sou. Sans brûler une calorie, non plus. Il ne faut pas trop demander quand même.

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