Même bal


Le train ralentit. On arrive à Olten comme la nuit est presque totalement tombée. Au pied d'un haut immeuble, la silhouette sombre d'un homme se découpe dans la lumière d'un appartement. Il fume une cigarette sur son balcon. Plus loin, un beau lavabo carré brille dans la vitrine d'un magasin Sanitas. Je voyage seul, avec de la musique, un livre... Finalement, personne n'a voulu m'accompagner. Mais je me suis entêté. J'ai pris un aller-retour pour Zurich.
J'arrive sur le coup de 23h30. La gare est noire de monde, de cris; les poubelles débordent de déchets. Des fêtards plus ou moins maquillés sont assis à même le sol. Cette année, pas de musique dans la grande halle. Je ne suis pas décidé: faut-il aller au Laby? Ou à l'Xces comme le suggère le grand Uli? Je trouve une place assise dans le bus 31. Devant moi, un personnage improbable, coiffé d'une sorte de voile de nonne en simili cuir noir. A un arrêt montent Rolf et son ami: ils ont fait la parade dans l'après-midi et se préparent à monter à la méga soirée Energy (90 francs l'entrée, 10 ou 12'000 clubbeurs attendus – les 100'000 francs du cachet de David Guetta n'obèreront donc pas trop le budget des organisateurs...)
Des silhouettes au fond du couloir du Laby. Quelques visages connus, tannés par le soleil du défilé de la journée. La porte s'ouvre, bouffée de musique, éclats de lumières. Bonne surprise, la salle est assez remplie. La clientèle du Lotus a vraiment déménagé: tous les visages familiers sont ici, hommes et femmes. Seuls le décor et l'adresse ont changé. Je bavarde, je danse, je vais au bar, aux toilettes, je retourne sur la piste, je bavarde encore, je me fais draguer, je drague un peu... Mes jambes sont lourdes, je me sens fatigué; je vais souvent m'asseoir dans les canapés. Aussi, je sens sur mon visage un sourire plaqué, qui doit plutôt ressembler à un rictus. Je fais un brin de causette à Ricardo qui s'est étendu sur la borne. Nous faisons tous les deux le constat qu'on peine à trouver notre place dans cette nouvelle salle, à l'inverse du Lotus où nous savions exactement où nous placer, de même que l'on savait précisément à quel endroit trouver les personnes que l'on recherchait. Il manque ici les gradins qui, comme les marches descendant du bar vers la piste du Lotus, permettraient d'être un peu au-dessus de la mêlée, sans devoir se jucher sur des podiums, trop hauts.
Vers quatre heures, il me semble que la boîte se dépeuple. Je reprends mon vestiaire et vais voir ce qui se passe à l'Xces, où une after Flexx était prévue. Mais le club est quasi vide. Je reste dix minutes, bois un verre en bavardant avec Uli et Giuseppe, avant de retourner au Laby où l'ambiance est clairement à la fin de nuit. Je résiste encore une heure, bien que je sache parfaitement qu'il est trop tard pour rencontrer quiconque. Mais je m'entête. Et quand je me surprends à rechercher, auprès de tel ou tel, un supplément de stupéfiants, je me dis qu'il est vraiment l'heure de rentrer. D'ailleurs la musique m'énerve, maintenant.
Après ma détestable soirée de juillet au Berghain, cette dernière nuit zurichoise me conforte dans l'idée que sortir seul en boîte n'est pas une bonne idée. Au fond, je me dis que ça ne l'a certainement jamais été.

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