Hambourg (die Hölle)


Les bons moments sont au début. La descente délirante vers le port, la foule compacte qui hurle sur la promenade. La traversée du tunnel Wallfahrt avec les vagues de cris qui montent du fond de la galerie. Mais déjà en obliquant sur Ballindamm je me sens un sourire figé. Chaleur insidieuse. Femmes qui hurlent mon nom, lu sur le dossard. Puis les bords de l'Alster. Les choses se gâtent au km 28. Le soleil tape. Commence l'obsession de l'eau. Panneaux kilométriques bleus vus comme des pubs d'eau gazeuse. Envie de plonger ma tête entière dans les baquets des points de rafraîchissement. Je résiste in extremis à l'envie de voler une bouteille de Coca sur une table de ravitaillement. J'en demande une gorgée à un coureur au bord de la route (il me passe sa bouteille à contrecœur). L'idée d'abandonner vole autour de ma tete comme une sale guêpe. Les minutes s'allongent sur la Polar. Le vilain passage est derrière. Déjà Eppendorf. Au 38e je marche trente secondes; le Poulet s'inquiète; on repart. Dernière épingle à cheveux redoutée après le pont, puis montée insupportable avant la dernière courbe. Le portail d'arrivée vu comme au fond d'un tunnel, à des années lumière; un corridor de gens qui crient sous des hauts-parleurs navrants qui braillent "Country road". Et la fin. Je sens les bras du Poulet derrière moi. Il veut s'asseoir. Je me couche sur le macadam dans l'ombre chiche d'un érable nu. L'enfer commence vraiment: l'énergie manque tant qu'il faut deux heures pour retourner à l'appartement. Mon corps se vide de ce qu'il peut. Allongé pour une énième halte forcée sur un gazon avare vers Berliner Tor, je me dis: C'est le dernier...

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