Luminothérapie


Couché sur une chaise longue, le regard vers le plafond. Deux longs écrans translucides dépolis inondent la pièce d'une lumière vive. Entre deux, un caisson de métal blanc percé de hauts-parleurs et de bouches de ventilation. Ca commence. Des pépiements d'oiseaux... Un pas sur le sol d'une forêt... La lumière est un peu verte. Je pense au bois du Sépey, les matins d'été, quand on cheminait avec Pépé... Puis je me souviens de la chaleur du hammam de Malley, où j'écoutais, pareillement, des pépiements d'oiseaux artificiels, le bruit continu d'une fausse cascade, en respirant des parfums synthétiques et suaves... Je m'ennuie de cet endroit, de ces soirées à faire du sport et me détendre, avant de reprendre le bus, rentrer chez moi et me faire rôtir un filet de poulet en écoutant les "Métissages" sur Couleur3... Puis il y a un basculement: la lumière vire au blanc. Une tonalité qui rappelle des journées vaines d'antan. Un piano se met à jouer. Et cette lumière, cette musique ramènent tout un lot de choses mortes, comme un fleuve repousse des alluvions vers la berge. Je me revois dans la cuisine de ma mère. Puis sur un chemin, avec des camarades de classe, une fin d'après-midi. C'était juste avant Noël, des chants sous le sapin, dans la forêt de Plantour, avec la maîtresse d'école, et le retour à la maison, sous un ciel qui avait cette teinte atonale. Je découvrais un nouveau décor qui ne me plairait jamais. Me reviennent encore ces jours blancs où l'on devait skier, même si le blizard soufflait. Un matin comme ça, je m'étais perdu, seul, sur les pistes de Morgins et j'étais désespéré...
[Je suis privé de mon agenda pour une dizaine de jours. J'ouvre celui de l'ordinateur sur lequel j'ai copié mes données hier soir. Le programme, inutilisé depuis des mois, réclame mon attention: des mails doivent partir. Curieux, j'ouvre la boîte d'envoi. Ce sont deux confirmations de rendez-vous. Elles sont adressées à un homme qui s'est suicidé entretemps. Je les efface avant que ces e-mails n'aillent raviver, Dieu sait où, des plaies fraichement pansées...]

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