Les divas du dancing

Une heure et quinze minutes à piétiner dans la file d'attente: à Zurich, la pénurie de soirées et la fermeture du Lotus se font clairement sentir. Et tout le monde se rue à la rituelle Blumenparty de l'aera. Dans la file, on avance par à coups. Encore dix centimètres, c'est bien. Patience. Et priorité absolue aux détenteurs de la mystérieuse carte aera (un club fermé voici plusieurs années mais qui, apparemment, continue de choyer ses membres. Les mystères de Zurich...) On subira jusqu'au bout les conversations débiles et les tronches de cake de nos voisins. Une seule caisse, un vestiaire pas stressé: disons que l'on mérite l'accès au Hive où, comme de coutume, des fleurs sont accrochées absolument partout. La foule se dispserse dès le vestiaire: en haut, c'est la jeunesse et les rythmes plus R'n'B. Au sous-sol, c'est l'usine old style: Don Ramon, Chérie, Jesse Jay, les platines sont en de bonnes mains. Revoici toutes les smiling faces de Zurich et de Genève. Sans oublier la délégation lausannoise: Riquet a trouvé un coin pour enfiler son short de sport (c'était son grand souci). Le voici paré pour la chasse aux vraies fausses femmes. Dans son alcôve, le Poulet lève déjà les bras au ciel – une manière de disperser ses phéromones. La boîte est suffisamment vaste pour engloutir tous ceux qui piaffaient tout à l'heure dans la ruelle; Denis peut avoir le va-va, pas de problème. Le Gamin, on ne sait déjà plus où il est. Quant à Pascal, il s'abouche immédiatement avec les plus beaux spécimens. Bon, la concurrence sera rude! Surtout qu'Igor est là aussi.

On se retrouve ponctuellement au fumoir (une loggia ouverte sur la voie ferrée qui vibre au passage des trains), aux toilettes, dans le couloir où les courants d'air dessèchent immédiatement les lentilles et font battre des paupières. Dans la glace du lavabo, avec mes yeux ronds comme des billes, j'ai l'air d'un hibou ébouriffé. N'y pensons pas et redescendons danser un peu.

Dans le canapé derrière Miguel, je branche un trentenaire assez bien charpenté. Une année passée à Neuchâtel lui vaut de très bien parler français. Mais côté phéromones toujours, je suis parasité par un miquelet largement quadragénaire. En clair, ce séchon m'excite davantage que le plantureux Thurgovien du canapé. Mais il a la fâcheuse manie de regarder constamment par dessus mes épaules quand nous dansons ensemble ou quand nous nous embrassons. N'empêche, on finit par faire des vilaines manières dans une alcôve. Or la sécurité veillait au grain: un gros bras nous fait sortir manu militari par la porte de secours. Dehors, sous un perfide soleil matinal qui révèle, dans la cour, des regards exophtalmiques et des faces tavelées, mon partenaire se retrouve en short de sport, torse nu. On nous gourmande en hochdeutsch: où nous croyons-nous? Si l'on veut faire ce genre de choses, il y a les WC. C'est un club ici, pas un sex-club. Etc. Pardon, pardon, pardon, on s'excuse.
Je crois qu'il est temps que je m'en aille.

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