Transes dimanche

L'Homme aurait (je lis Le Matin) commencé à cultiver les céréales pour produire de la bière; le pain ne serait venu qu'ensuite. On buvait cette bière légère dans des cérémonies de culte, pour accéder à des états de transe. Au fond, rien ne change... Et la nécessité de cette culture (de cette addiction, serait-on tenté de dire...) aurait entraîné la sédentarisation. Eh oui, mes chers ancêtres, la transe a un goût de reviens-y. Elle a son coût, aussi. Hier comme aujourd'hui, probablement. Les efforts qu'il faut faire pour tenter d'y accéder, le dosage toujours changeant des produits médiateurs... Sans parler du parasitage de la séduction dans ce processus (je parle de notre temps), séduction qu'induisent fortement les circonstances propres aux "cultes" d'aujourd'hui. Ces conditions distraient finalement des félicités de la transe. Récemment, c'était à Zurich, je sentais clairement l'effort que je faisais pour tenter de contenir les énergies mises en ébullition. Je visualisais les flux, les canaux que cette force cherchait à emprunter pour s'extérioriser: je sentais un exutoire au niveau de la poitrine, correspondant, disons, à la transe. J'ai fermé les yeux, je sentais mes bras le long de mon corps, et ces bras m'enlaçaient, mais alors ce n'étaient plus les miens. Mais je diverge. Il y avait un autre exutoire, situé entre mes jambes: le trop-plein archiconnu, facile, celui qui correspond à la séduction. Ce soir-là, j'étais incapable de résister, de me concentrer, de savourer le plaisir de la transe, vous savez? Celui d'être à la fois présent et ailleurs, de sentir son esprit en contact avec d'autres temps, d'autres choses. Mes yeux cherchaient sans cesse, dans la foule, un autre... Je ne me suffisais plus à moi-même. Et à chaque fois, le même scénario se répète. Deux petites heures de, disons, transe (et je compte large!), que l'on paye ensuite par autant de jours d'irritabilité... Je me demande parfois si le jeu en vaut la chandelle...
Idées ternes, période sans entrain. Précarité financière et affective me rendent morose. Impression d'être dans une impasse. La pensée magique me fait attendre, comme un dû, un événement d'ordre miraculeux, alors qu'il conviendrait de réagir, de faire quelque chose pour me sortir de cette ornière, de ce semi-confort finalement piégeant. Secoue-toi, secoue-toi! me dis-je; mais ce ne sont, pour l'heure, que des exhortations.

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