Sous la cantine


Trop d'humidité dans le vestiaire; on remonte, les pieds mouillés dans les schlaps de douche, se chausser dans la cour. Ensuite, on suit le chemin bordé de constructions récentes, sous le ciel qui s'assombrit de minute en minute. Passé le pont, la masse obscure de la cantine où les portes béantes se découpent en forme de rectangles lumineux. A l'intérieur, la file d'attente des prix, et celle du repas. On emporte nos assiettes, pour s'installer, dans le brouhaha, au bout de l'une des longues tables de bois jaune, encadrées de bancs rectilignes. Au fond, une foule grossissante se presse aux guichets des boissons. Et derrière nous, les éternels du Footing-Club font une tablée, comme l'an dernier, comme l'an prochain, comme toujours... Le Poulet revient avec une bière et de l'eau. Nos plats sont juste à la bonne température... A ce moment, la voix amplifiée du speaker commence à résonner dans la halle, tandis que des formes s'agitent sur l'écran géant qui, nous a-t-on promis, transmettra bientôt le match Suisse-Lettonie. Formidable!
A manger comme ça, un soir, sous la cantine de La Sarraz me reviennent des images des soirées de l'Abbaye de Cossonay. En fin d'après-midi, au Pré-aux-Moines, on rejoignait la Mémé, qui adorait ces après-midis sous la cantine. Je revois le dallage bleu et jaune, les poutres foncées s'entrecroisant au-dessus de la salle, pareillement bruyante; les longues tablées, entre lesquelles se contorsionnent les serveuses portant de lourds plateaux de verres de vin, de bière, de mazagrans remplis de thé ou de Nescafé. On parle à tout le monde. Au fond, le scintillement des cuivres, sur l'estrade où l'orchestre fait danser – en prenant quelques pauses. Autour de nous, la Françoise, l'Eva, la Micheline. Mémé qui m'embrasse. Une fille se penche pour vendre ses billets de tombola. Dans l'éclat des cymbales, l'orchestre attaque un air entraînant. On doit parler plus fort. Hier soir à La Sarraz, j'ai eu un rapide pincement de nostalgie pour ce temps de plaisirs simples, ces moments protégés et insouciants.

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