Pub !

Les mêmes voix; les mêmes intonations; les mêmes recettes. Les mêmes produits. On peut désormais piocher dans la vidéothèque de l'INA, où les clips publicitaires français des quarante dernières années sont en ligne. Un signe de plus de notre époque où "tout fait mémoire", comme l'écrivait l'autre jour, je crois, Le Temps, à propos de l'archivage. Nous allons vers une société où il n'y aura plus, à proprement parler, d'archives au sens de la conservation d'un document unique dans un lieu unique; l'informatique rend ce principe caduc. Les documents, les vidéos deviennent omniprésents, via les réseaux, se recopient ici et là – et là-bas. La mémoire collective devient un fluide sur lequel nous nous branchons, simplement. Donc le site de l'INA. Je retrouve des images dont je ne pensais pas me souvenir: les deux marinières qui étendent leur linge sur leurs péniches. Je n'avais pas oublié une seule note du refrain qu'elles chantent, tout sourire, des pinces à linge entre les dents: Super-Croix soixante-treize! Je fais repasser la pub débile d'Ultra-Brite, le "dentifrice au goût sauvage". L'allure ahurissante de ce couple blond qui caracole à moto avant de se coincer des roses entre les dents! Aussi, la surfeuse du savon Fa. Tout ça. Toute cette accumulation inutile de mélodies, de slogans, restés coincés quelque part dans ma tête, enregistrés par ma mémoire d'enfant, finalement avide de ces personnages archétypiques, de ces histoires courtes, calées sur des musiques simplistes et entraînantes. Ce qui est terrible, à regarder ces réclames largement trentenaires, c'est le rôle de la femme. Faute de récurer sa cuisine avec Spic (qui ne mousse pas donc lui épargne le rinçage), elle prend du retard pour aller chercher les gosses à la sortie de l'école. Elle veille à la blancheur des chemises en nylon de monsieur, un goujat qui, dans le clip suivant, laisse l'ascenseur se refermer au nez d'une collègue; car elle n'a pas pris soin de sa silhouette en cachant ses "petits bourrelets" dans une gaine 18 heures de Playtex. Les terreurs du MLF avaient bien fait de les jeter au feu, ces gaines. Oui, on a probablement fait des progrès dans ce sens. Sinon, les mêmes voix suaves qu'aujourd'hui nous vendaient déjà du bon vieux temps en 1970; de la cuisine de grand-mère; de la propreté virginale au bord de rivières sans phosphates. Mais bon! Quand je fais de la purée Mousline, je suis sûr que tout le monde en reprend.

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