Berlin v.08 reloaded


A travers les carreaux bleutés, je vois la file piétiner sous les lumières blafardes qui balisent le terrain vague. Plus loin, un train roule dans la nuit vers Ostbahnhof (anciennement Hauptbahnohf, anciennement Stettinerbahnhof). Derrière moi, les urinoirs, puis le Klo-Bar déjà bondé, puis la cathédrale où les basses ne sont pas un son, mais, à chaque coup, une onde de choc.
Les trains ont retrouvé leurs chemins autrefois entravés à travers la ville divisée. Le ring nous emmène d'Innsbruckerplatz à Ostkreuz. Le métro repasse d'Alexanderplatz à Kreuzberg. Les plaisirs et les libertés qui caractérisaient Berlin ont refleuri. Sur Potsdamerplatz où le soleil scintille contre le verre de tours grandiloquentes, je recherche vainement dans ma tête les images du terrain vague de l'hiver 1990, avec les bouches de métro murées...
Berghain. Une voix sépulcrale scande quelque chose comme "Volem! Volem!". Pendant un bref moment magique, nous sommes réunis avant de prendre nos propres chemins. Mig et Stef fusionnent; Denis se perd dans la foule de muscles; Pascal trouve pour moi le coin aux araignées. Le dimanche, je ne me souviens plus des garçons dont je retrouve les coordonnées dans mes poches. Nous dormons quelques heures, ressortons au Lab-o. Les rythmes circadiens s'inversent. Lundi: nous voici dans le bus, le métro avec les visages endormis des travailleurs de l'aube. Il n'est pas encore 5 heures. Heinrich-Heine Strasse, l'entrée du Kit-Kat voisine avec la bouche du U-Bahn. Plongée dans un four psychédélique. L'Apfel Schorle fait descendre les bonbons. Des rondes commencent entre les alcôves éclairées à l'ultra-violet et un patio aux relents de mazout. Visages rongés de tics, marbrés de rougeurs. Des t-shirts disent "Zu dir oder zu mir?", "Satan army". Dedans, la musique s'articule en onomatopées: Trip-Trop, Trip-Trop; puis Kit-Kat, Kit-Kat (je frappe mes mains en X pour marquer le rythme); ensuite on entend "Cole-Tchac, Cole-Tchac!", tandis que la percussion crache "Ta-Dam, Bam-Bam!"; et les tweeters se mettent à scander "Ti-Kas-Ti, Ti-Kas-Ti" pendant dix minutes. Un bel Italien retire de lourdes bottes et, frénétique, se met à danser en chaussettes sur l'estrade. A 11 heures, vidé de ses dernières énergies, on sort dans la fournaise; le ciel nous aveugle, la chaleur nous assome, il nous faut absolument un café.


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