Transitions


Eté 1971 ou 72 - Nous revenons de vacances passées chez les parents de mon père. Je revois l'autoroute au-dessus de Vevey, écrasée de soleil, dans la 404 bouillante et enfumée. Me revient surtout l'odeur inhabituelle de l'appartement longtemps fermé. J'ouvre un à un les placards de la cuisine. "Ne t'inquiète pas, on nous a rien volé", me lance ma mère, agacée, qui m'envoie jouer dehors.

Eté 1975 - Après une semaine à la montagne avec mes grands-parents, je retrouve l'appartement où ma mère nous a installé l'automne précédent. Elle prépare un gâteau dans la cuisine. Au-delà du balcon, les montagnes maussades sous un ciel pesant. Je me mets à pleurer, je veux retourner à Orsières. "Mais il n'y a plus personne là-haut, tes grands-parents sont rentrés aussi".

Eté 1993 - Me voici chez moi après une semaine passée sur la Saône avec un groupe d'amis. Je m'étends sur mon lit, dans la pénombre de ma chambre. Sensation de vide, de solitude absolue. Le surlendemain, je dois partir pour Nantes. Ces deux jours me sont absolument détestables.

Eté 2007 - Retour de Madrid. A la gare de Renens, je quitte le train où sont mes amis. Sur un toit, un thermomètre marque 13 degrés. Le temps se met durablement à la pluie. Il me reste quelques jours de vacances qui se consument. Je reste terré chez moi, maladif, affaibli par nos excès.

Eté 2008 - Retour de Berlin. Chaleur intense. L'air bouillant entre par les portes fenêtres béantes. Les stores protègent du soleil. Je reste à nouveau tapis dans mes quatre murs, sors à peine pour le journal et les provisions. Je retrouve mes habitudes domestiques. En réécoutant la chanson de Vogado Projects, je me souviens comme je me réjouissais à la perspective de ce petit voyage - maintenant advenu. A Berlin, j'ai fait entendre ce titre à Didier en lui disant qu'il me fait penser à lui (sa curieuse réaction me revient en mémoire). Oui, j'ai hâte de resortir avec mes amis. Tenace illusion de la fusion, de la magie collective; je l'entretiens tant que faire se peut...

Je ne m'habituerai peut-être jamais à ces transitions estivales entre la vie en groupe et une solitude qui me constitue, d'une certaine façon.


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