Close up


Comment les choses se resserent autour de moi. Cette capacité à me laisser dériver me fascine. Cesser de ramer; juste suivre le courant, à peine un coup de pagaie ici et là pour tenir le cap. Ne plus faire les courses; juste attraper le nécessaire à l'épicerie du coin. Enchaîner les parties de Bejeweled. Ne travailler qu'à mi-temps, sans vraiment chercher à savoir si la prochaine mission est solide ou relève du mirage. Reporter les rendez-vous. Réécouter pour la centième fois Lucy Gale: les cinq temps de la ligne de basse obsédante (plongée, demi remontée, hésitation, émergence en quatre notes, da capo.) La chambre d'écho sous la voix sensuelle, enrouée, qui sussure en espagnol des paroles d'amour crépusculaires; la clarinette limpide que relaie, à mi-parcours, une flûte de pan baléarique qui saupoudre la fin de paillettes. Couché sur la pelouse de Vidy, observant la trajectoire d'un avion dans l'azur, je me souviens d'une fin d'après-midi morose, anodine, un samedi de ce printemps. En route vers une soirée sans projets, le train le long des rives du lac de Neuchâtel; et toute la promesse magique de l'été contenue dans ces notes, déjà jouées en boucle. Je cherche à savoir pourquoi elle me ramènent à toi... C'est que tu es lié, dans mon esprit et dans mon coeur, au renouveau festif de ces années-là. Au seuil du monde alors vierge sur lequel je me tenais. A cette fraternité sensuelle condensée par ces 4 minutes et 44 secondes.

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