Memories of a free festival


Jeudi, place de la Riponne - Je tends mon bristol à la petite souris endimanchée que je reconnais du secrétariat. Un parterre de chaises sous le ciel menaçant. Au fond, une scène noire, entourée de deux écrants géants - en fait, en version réduite, le même dispositif que chez Madonna mais pour un tout autre spectacle. Pendant deux ou trois heures, enfants costumés, discours, claquettes, discours et re-claquettes. Sous vos applaudissements, le Grand Jour des bâtisseurs, pommade à la louche, émotion cravatée. Puis, ruée sur l'apéritif entre les barrières Vauban. Trinquez, braves gens! c'est la Ville qui régale. Impossible de rencontrer quelqu'un dans cette marée humaine. Je gagne le large. Aux franges de la foule, les marginaux renvoient à la réalité. Un autre bristol qu'on nous a remis tient lieu de coupe-file à Arlaud. Vers l'escalier, on se retrouve dans le sillage du syndic et Madame. Place Arlaud, le cocktail des Very-VIP - reconnaissables aux cocardes brochées aux revers des vestons. Je me rends vite compte que je ne devrais pas être ici. "Tu t'en fous", me dit Zoute, livide - c'est LE jour de boulot pour lui. Leuenberger et sa suite vont débarquer sans tarder. Sous la marquise de Boulimie, un choeur d'hommes piaffe de pousser la chansonnette. Bruchez gloutonne un sandwich, avec des bajoues de hamster. Je me tire.
Vendredi midi, place Chauderon - On avale une salade au soleil devant le Crédit Foncier. Je dis à Pascal "Pourquoi on n'essayerait pas vite le métro?" On marche jusqu'au Flon. Au pied de la nouvelle rampe, des Securitas derrière les portes vitrées, des barrières, des panneaux: direction Ouchy, direction Croisettes. Descente sur le quai. Murs vert pomme. Lumière généreuse de l'atrium, mouvement élégant de l'escalier hélicoïdal hélas interdit d'accès. J'explique à Pascal que la ligne a été abaissée d'un niveau. Je me remémore la sombre station de la Ficelle, la gueule noire du tunnel aux moëllons saillants, l'odeur fraîche de salpêtre. Une rame bondée arrive. On monte. On part. Légers virages. On passe sous Saint-Laurent. A la Riponne, Gaj monte, je le salue, il me snobe. Voilà Bessières. On descend à Ours, je montre le puits de lumière à Pascal, on voit les semelles des passants sur les pavés de verre, 25 mètres plus haut. On reprend le train dans le sens inverse. A la Riponne, on foule une moquette fuschsia avant de ressortir par le nouvel escalier, sous une verrière qui irise la lumière violente. On cligne des yeux sur la place encombrée.
Samedi midi, place de la gare - Je descends du train de Fribourg. La station est prise d'assaut, la foule se masse dans l'entonnoir sombre sous le plafond d'aluminium. "Quinze minutes d'attente" me dit un jeune gars des tl chargé de canaliser les badauds. Je renonce. Le soir, des projecteurs DCA balisent l'emplacement des quatorze stations: une herse de rayons bleutés dans le ciel de laine noire. Départ pour les concerts. Pulls, vestes, écharpes: la bise s'est invitée pour glacer la fête. A la Riponne, Stefan Eicher miaule dans le vent. Place de l'Europe, vibrations et stridences de l'électro calibrée pour adolescents. Marée humaine informe, ondulante et noire devant une scène vide, par instants inondée de lumière crue. Le sol jonché de déchets. Des gamins pas assez couverts, en shorts, chemisettes, remontent la rampe Bel-Air en tirant des trotinettes qui cliquètent sur le bitume tatoué des feuilles de Jardins 2004 ("palmatipartite, palmatiséqué, sinué, pédalé"...) Je finis papy, avec mes lunettes dans mon canapé et m'offre la fin d'Annie Hall en songeant aux tentations de cette nuit: Freistoss au Rage (manque de peps), ou la soirée Ost-Gut Ton à Berne (manque de motivation)... On sortira dimanche soir. Vers 23 heures, SMS des Ours; Mandrax a pris le relais aux platines de l'Europe mais je suis trop fatigué pour ressortir.

Articles les plus consultés