VHS


Ce soir, une chaîne au rabais de la TNT programme l'une de ces sempiternelles émissions rétrospectives, comme la télévision en fabrique à tour de bras et certainement à bon compte. Thème: les années 80. Un vrai marronnier! Des extraits d'émissions de chaînes (heureusement) disparues, comme La 5, sont aussitôt commentés par différents personnages, journalistes, présentateurs, célébrités de l'époque. Les clips défilent; on revoit les vêtements aux coupes étonnantes, des maquillages à la truelle, des habillages graphiques révolus. Un monde cathodique défunt revit par saccades. Les couleurs sont pâles, l'image instable – la vidéo analogique vieillit vraiment mal. Soudain, une bouffée de fraîcheur: c'est Toi mon toit, le clip d'Eli Medeiros. Je m'étais acheté ce 45 tours, je me souviens parfaitement de la pochette, même de sa texture, lisse et glacée. J'avais même dansé sur cette chanson dans l'ancien Mad, comme, à la même période, sur In between days des Cure ou sur des chansons frénétiques des Woodentops, que le DJ Christian Vogelsang adorait passer, dans sa mezzanine. Je réalise, en regardant mollement ces images, que j'ai connu et même vécu cette période, que des jeunes comme le stagiaire qui squatte mon bureau (né en 1992...) ne connaîtront jamais qu'à travers ces clips, ces images délavées que la TV ressasse encore et encore. Pourtant, je me demande si j'ai vraiment vécu cette période... Bien sûr je respirais, mangeais, travaillais, dansais, conduisais ma propre voiture. J'avais déjà une vie sexuelle, autrement remplie qu'aujourd'hui (je ne dis pas qu'elle était mieux remplie...) Mais même si les souvenirs peuvent être précis, ma perception globale de ce temps-là est vague. Elle a le flou et les couleurs pâlies de ces clips. Peut-être est-ce là le signe d'un temps où je n'étais pas encore lesté, où je flottais dans la vie, sans direction claire, comme un ballon de baudruche baladé par les airs? Vingt-cinq ans: ces souvenirs ne sont pas anciens! J'aimerais savoir si, à 60, à 70, à 80 ans, quand on traversé autant de décennies, cette même impression de flou, de légèreté s'étend à l'ensemble des images que notre mémoire aura stockées. Si, à ces âges-là, mes souvenirs, mes impressions des années 2010 auront sur moi l'effet d'irréalité ressenti, ce soir, à la vision de ces peu signifiantes archives...

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