Pluton

J'ai déjà raconté ici ma visite chez une astrologue, voici tantôt 25 ans. Cette consultation m'avait marqué. A l'âge que j'avais, c'était très valorisant de me retrouver, durant deux heures, face à une personne qui me consacrait toute son attention, me disait des choses personnelles, procédait à un décodage de ma personnalité. Avec des clés d'interprétations discutables, bien sûr. Malgré tout, certains propos tenus ce soir du printemps 1986 me restent en mémoire. Je dois certainement avoir conservé, quelque part, les cassettes de cet entretien. Pourtant, je ne suis pas sûr de vouloir les réécouter. Je préfère me souvenir de ce que j'ai retenu.
Dans son salon bas de plafond où la lumière baissait lentement, cette femme me parlait des transits de Pluton (qui n'était pas devenu un vulgaire caillou céleste, mais avait encore son statut de planète à part entière, même chez les astronomes). Le passage extrêmement lent de cet astre dans les différents signes n'était que difficilement interprétable, disait-elle. Il marquait peut-être les grandes tendances de l'humanité pendant une période. "Qui sait ce que donnera son passage dans le signe du Sagittaire?" s'interrogeait-elle. "Peut-être que ceux qui naîtront avec Pluton en Sagittaire, le signe des relations avec ce l'autre, avec le lointain, formeront une génération qui saura communiquer avec les extraterrestres?"
C'était alors le rêve de cette femme, une aimable soixante-huitarde... Mais si l'on regarde les choses de manière pragmatique, on peut relever que le transit de Pluton dans le signe du Sagittaire (1994-2008) correspond au développement fulgurant et à la domination d'internet. L'avènement du monde des réseaux; et du réseau des réseaux qui relie, désormais, tout et (presque) tout le monde, qui nous met en relation avec le lointain, qui abolit artificiellement les distances. En ce sens-là, la prophétie de l'astrologue est avérée. Quant à savoir si les individus nés sous cette configuration astrale téléphoneront aux Martiens, il faut encore attendre un peu, je suppose.